Reportage France - Sur les traces d'Alice Milliat, pionnière des JO féminins (2024)

Personne ou presque ne connaissait son nom il y a encore quelques années, pourtant son œuvre est immense:Alice Millat s’est battue toute sa vie pour permettre aux femmes de participer à des compétitions sportives, jusqu’à créer des Jeux olympiques entièrement féminins au début du XXe siècle. Des combats avant-gardistes qui font écho à ceux qu’il reste à mener pour une meilleure visibilité des femmes dans le sport.

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À l’origine, il n’y avait même pas de nom ni de prénom sur la tombe d’Alice Milliat, qui repose dans un cimetière de Nantes, dans l’ouest de la France. «C’est une tombe extrêmement simple. Sa sépulture est aussi modeste que son œuvre est grande», se plaît à dire Stéphane Gachet. Ce passionné des Jeux olympiques lui a consacré une biographie en 2019, Alice MilliatLes vingt ans qui ont fondé le sport féminin (La compagnie du livre)et a contribué, par la même occasion, à la faire sortir de l’oubli.

Au début du XXe siècle, Alice Milliat, passionnée d’aviron, milite pour que les femmes intègrent les compétitions sportives, contre le discours imposé par la religion et même certains médecins. «La femme ne devait pas se dévêtir, ni s’exposer en public. Elle devait absolument se préserver. Son seul but était d’enfanter», résume Stéphane Gachet.

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À rebours de la doxa, Alice Milliat estime que pour changer les choses, les clubs féminins doivent être dirigés par des femmes. Alors, en 1915, elle prend la tête d’un club de gymnastique à Paris, qu’elle ouvre à d’autres sports comme l’athlétisme, le basketball, le football, le rugby et le hockey. Pour l’époque, c’est plus que novateur. Mais le contexte est favorable, pointe Stéphane Gachet:«Un événement important survient:la Première Guerre mondiale. Les hommes vont libérer leurs places dans les foyers, aux usines et sur les terrains de sport

En 1919, nouvelle étape, elle contribue à fonder la fédération des sociétés féminines sportives qu’elle dirige. Puis, elle demande au comité olympique d’inscrire les épreuves féminines d'athlétisme aux Jeux olympiques. Refus catégorique de son président d’alors:le baron Pierre de Coubertin. «Je n’approuve pas personnellement la participation des femmes à des concours publics. Aux Jeux olympiques, leur rôle devrait être surtout de couronner les vainqueurs», expose-t-il dans une archive sonore.

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Qu’à cela ne tienne, Alice Milliat réplique à ce refus en 1922 en créant les premiers Jeux féminins à Paris. Le succès est immédiat et s’étire jusqu’à la dernière édition de 1934. «On rapporte qu’il y a plus de 20000 spectateurs dans les stades et des performances sportives qui n’ont rien à envier aux hommes», développe Stéphane Gachet.

Le coup d’arrêt interviendra dans les années 1940, sous le régime de Vichy qui gommera complètement cet héritage en interdisant aux femmes de pratiquer des sports dans des compétitions publiques.« C’est comme si le sport des années 20 et 30 n’avait jamais existé», pointe encore Stéphane Gachet. Si bien qu’Alice Milliat décède dans l’indifférence générale en 1957.

Le combat continue aujourd’hui

Mais depuis quelques années, son nom et son œuvre refont surface. À quelques pas du cimetière, où elle est enterrée, une école maternelle et élémentaire est en construction. «Ce sera le premier établissem*nt scolaire de France à porter le nom d’Alice Milliat», se réjouit Stéphane Gachet, qui assume aussi des fonctions de conseiller régional à la région des Pays-de-la-Loire.

À Paris aussi, des initiatives sont mises en place. Notamment une visite guidée menée par l’association «Feminists in the City» et la Fondation Alice Milliat. Une vingtaine de personnes présentes ce jour-là sur les traces de quelques figures du sport féminin, «qu’on essaye de lier à des enjeux contemporains liés au féminisme», explique en guise d’introduction Sonia, la guide-conférencière.

La visite débute devant l’entrée du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), situé dans le 14e arrondissem*nt de Paris. «Il y a deux statues qui trônent ici dans le hall du CNOSF, pointe du doigt Sonia. Sur la droite, on a le baron Pierre de Coubertin. Et sur la gauche, regardez qui voilà: C’est Alice Milliat. Et ça a été une longue bataille. Il a fallu sept longues années pour qu’elle trône ici.»

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Caroline est l’une des participantes du jour. «Cette visite participe à la faire sortir de l’oubli, ce qui est indispensable». Mais les combats d’Alice Milliat sont loin d’être achevés, juge-t-elle. «Il faut plus de femmes dans les fédérations, il faut aussi davantage d’argent, car aujourd’hui ce n’est pas du tout équivalent par rapport aux hommes. Bref, on est encore loin d’avoir une équité dans la pratique sportive entre hommes et femmes. Donc le combat continue, comme qui dirait!»

Pour la première fois aux Jeux olympiques de Paris, il y aura exactement le même nombre de femmes que d’hommes engagés:5250 précisément. La parité est donc atteinte plus d’un siècle après les premiers Jeux olympiques féminins. Une bonne nouvelle, bien sûr, salue Tess Harmand. Mais la directrice générale de la fondation Alice Milliat, créée en 2016, se montre vigilante:«On espère que cet intérêt pour Alice Milliat ne va pas retomber après les Jeux. On a bon espoir que toutes les actions que l’on fait puissent continuer bien au-delà de l’olympiade. Car le sport reste un formidable outil pour faire évoluer les mentalités pour plus d’égalité dans la société aussi.»

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